Depuis que vous avez adopté votre chienne, votre vétérinaire passe son temps à vous parler de stérilisation. Soi-disant, cela permettrait d’éviter la formation de tumeurs au niveau des mamelles avec l’âge … Mais vous ne savez qu’en penser ! Nous allons donc prendre le temps aujourd’hui de vous expliquer tout ce qu’il y a savoir sur les tumeurs mammaires de la chienne pour vous aider à mieux comprendre cette pathologie très fréquente dans l’espèce canine.
Qu’est-ce qu’une tumeur mammaire ?
Une tumeur est par définition une masse plus ou moins volumineuse qui résulte d’une multiplication excessive de cellules normales ou anormales. Les tumeurs mammaires chez la chienne se développent, comme leur nom l’indique, dans le tissu mammaire.
On peut les classer en :
- Tumeurs bénignes, qui se développent localement et qui sont plutôt de bon pronostic ;
- Tumeurs malignes ou cancers, qui peuvent métastaser et donc diffuser dans d’autres organes, d’où un pronostic plus sombre.
Mais attention, ce n’est pas parce qu’une tumeur est bénigne qu’elle ne peut pas être de grosse taille et gênante pour l’animal. Inversement, les cancers mammaires chez la chienne peuvent être de très petite taille, ce qui ne les empêchent pas d’être très agressif. La taille ne doit donc jamais être un critère pour juger de la gravité ou non d’une tumeur chez votre chien. Dès que vous repérez une masse suspecter, prenez rapidement rendez-vous chez votre vétérinaire.
Chez la chienne, plus de 50% des tumeurs mammaires sont en fait des cancers.
A quoi sont due les tumeurs mammaires chez la chienne ?
Comme pour toutes les tumeurs, les mécanismes d’apparition ne sont pas connus avec précision. On sait cependant que les hormones sexuelles (œstrogènes, progestérones, prolactine) jouent un rôle prépondérant chez la chienne. La grande majorité des tumeurs mammaires chez la chienne est dite hormono-dépendante. Donc plus une chienne est imprégnée par les hormones sexuelles femelles et plus elle a de risque de développer une tumeur mammaire en prenant de l’âge. Voilà en partie pourquoi :
- Votre vétérinaire vous incite à stériliser le plus rapidement possible votre chienne, afin de limiter au maximum les effets des cycles de chaleurs sur son organisme ;
- Et qu’il n’aime pas assurer la contraception de votre chienne avec des produits hormonaux (progestatifs injectables en général) !
Enfin, les chiennes qui développent fréquemment des grossesses nerveuses sont plus à risque de voir apparaître une tumeur mammaire. Car leur tissu mammaire est sans cesse malmené et hypertrophié à répétition : le risque de voir apparaître une cellule cancéreuse anormale est alors plus important.
Epidémiologie des tumeurs mammaires du chien
Du fait du rôle des hormones sexuelles dans le développement des tumeurs mammaires, ce sont principalement les chiennes non stérilisées, ou stérilisées tardivement qui développent cette maladie. L’âge moyen au moment du diagnostic est de 8-10 ans, c’est donc une maladie retrouvée principalement chez les chiennes âgées.
Elles sont mises en évidence très rarement chez les chiennes stérilisées de façon précoce et les chiens mâles, qui ont aussi du tissu mammaire et des tétines !
Symptômes en cas de tumeurs mammaires chez la chienne
La 1ère chose mise en évidence est une masse de taille et de consistance variable dans les mamelles de votre chienne. Passé un certain âge, votre vétérinaire profite normalement de la visite annuelle vaccinale pour réaliser le check-up complet de votre animal : il en profite notamment pour palper avec attention les mamelles de votre chienne. Vous aussi, vous pouvez réaliser ce geste à la maison pendant les séances de papouilles avec votre chienne !
On peut retrouver absolument de tout en termes de forme, de taille et de consistance pour une tumeur mammaire. Certaines sont diagnostiquées alors qu’elles font la taille d’un plomb alors que d’autres ne sont présentées en consultation que lorsqu’elles ont la taille d’une orange ou d’un melon.
La peau des mamelles peut rester belle ou bien être très inflammatoire et rouge. Dans les cas extrêmes, on a même un cratère purulent qui se forme avec une odeur particulièrement nauséabonde.
En cas de cancer avec dispersion de métastases dans l’organisme de votre chienne, d’autres symptômes peuvent apparaître : fièvre, abattement, perte d’appétit, difficultés respiratoires, boiteries …
On a parfois expression d’un syndrome paranéoplasique. Celui-ci est dû à la sécrétion, par la tumeur (bénigne ou maligne) d’une substance qui va avoir des effets sur l’organisme. En cas de tumeurs mammaires, les syndromes paranéoplasiques les plus souvent mis en évidence chez la chienne sont :
- PUPD due à une hypercalcémie maligne : la chienne boit et urine beaucoup à cause d’une concentration élevée en calcium dans le sang
- Syndrome de Cadiot-Ball-Alamartine
- Anorexie et amaigrissement
- Hyperthermie
- Anomalies des lignées sanguines
Démarches diagnostiques en cas de tumeurs mammaires
Il est bon de rappeler que dans plus de 50% des cas, les tumeurs mammaires de la chienne sont cancéreuses. Il est donc bon de ne pas laisser traîner quand on détecte une masse au niveau mammaire et de prendre rapidement rendez-vous avec son vétérinaire. Plus on interviendra tôt et plus le pronostic sera bon.
Le diagnostic de certitude
Le diagnostic de certitude est celui-ci qui permet de savoir avec assurance que l’on a affaire à un processus tumoral et où l’on connaît même le nom de la tumeur en cause. Pour ce faire, on réalise soit :
- Un examen cytologique : c’est-à-dire que l’on ponctionne la masse et que les cellules prélevées sont étalées sur une lame de microscope, envoyée au laboratoire pour analyse ;
- Un examen histologique : on réalise cette fois une biopsie de la tumeur, sous anesthésie générale, et ce prélèvement est envoyé au laboratoire pour analyse.
En cas de suspicion de tumeur mammaire chez la chienne, cette étape est souvent la dernière réalisée.
Le problème, c’est que les tumeurs mammaires de la chienne sont très souvent des tumeurs mixtes. C’est-à-dire qu’un sein d’un même nodule on va retrouver plusieurs types de cellules tumorales, certaines bénignes, certaines malignes … Une cytoponction ne permettra pas toujours de donner une réponse définitive quant à la nature de la tumeur car on ne pourra pas être certains d’avoir récupéré des cellules de tous les types. Et comme il faut une anesthésie générale pour réaliser une biopsie de la tumeur, autant profiter d’avoir endormi l’animal pour enlever chirurgicalement la tumeur et l’envoyer en entier au laboratoire.
Envoyer la tumeur après chirurgie au laboratoire pour analyse histologique est un acte refusé par un grand nombre de propriétaires. Le traitement ayant été réalisé, cette étape semble obsolète pour pourquoi. Mais si on ne connaît pas la nature exacte de la tumeur, votre vétérinaire sera dans l’incapacité de vous donner un pronostic et de savoir s’il y a des chances ou non de récidives malgré la chirurgie.
Le bilan d’extension
Votre vétérinaire vous propose une série d’examens complémentaires pour savoir si la tumeur est restée localisée au tissu mammaire ou bien si elle a commencé à disséminer dans les nœuds lymphatiques de drainage (= ganglions) et dans d’autres organes. Comme pour le coup, on ne peut pas savoir d’avance si votre chienne souffre d’une tumeur bénigne ou d’un cancer, ces examens sont indispensables pour ne pas passer à côté d’un cas grave.
L’examen complémentaire par excellence dans la prise en charge des tumeurs mammaires est la radiographie des poumons. C’est en effet dans les poumons que les métastases de ces cancers se localisent préférentiellement. Bien que cela puisse vous paraître excessif, votre vétérinaire sera amené à réaliser 2 voire 3 radios des poumons de votre chienne, dans des positions différentes pour être sur de bien visualiser l’intégralité de son champ pulmonaire et ne pas passer à côté de quelque chose.
Les métastases pulmonaires ne sont visibles à la radiographie que lorsqu’elles font plus de 5 mm de diamètre, ce qui est déjà énorme. Pour un diagnostic beaucoup plus précoce, c’est le scanner qui est recommandé mais qui est peu réalisé en routine du fait de son prix élevé.
Si votre chienne est très âgée, il pourra aussi vous proposer un bilan sanguin afin de vérifier le fonctionnement de ses reins, de son foie … En fonction des anomalies identifiées, votre vétérinaire pourra toujours vous proposer d’autres examens comme une analyse d’urine ou une échographie abdominale.
Avec ces réponses vous permet aussi de discuter de la prise en charge à réaliser avec votre vétérinaire : le but sera-t-il d’essayer de guérir votre chienne ou bien simplement de la soulager et de mettre en place des soins palliatifs car ses organes internes sont trop endommagés ?
Quels traitements en cas de tumeurs mammaires chez la chienne ?
Retrait chirurgical de la tumeur
La chirurgie est LE traitement en cas de tumeur mammaire !
Il est recommandé de retirer l’ensemble de la chaîne mammaire du côté où se trouve la tumeur. Pourquoi ? On sait qu’il existe un drainage sanguin et lymphatique entre toutes les mamelles qui sont situées du même côté. Si des cellules cancéreuses sont présentes on ne pourra pas voir à l’œil nu, si elles sont déjà en train de métastaser et de voyager vers d’autres mamelles. En enlevant tout le tissu mammaire on réduit grandement le risque de récidive, qui est de 60% quand on retire seulement la tumeur, et donc de devoir réintervenir. Pour des raisons budgétaires, votre vétérinaire peut vous proposer de retirer seulement la moitié de la chaîne mammaire si tant est qu’il n’y a pas plusieurs nodules tout du long.
Dans le cas où la chienne présentée en consultation à des tumeurs sur les deux chaînes mammaires, le vétérinaire propose de traiter chirurgicalement le côté qui semble le plus atteint et de laisser cicatriser pendant 1 à 2 mois. Puis d’intervenir sur l’autre chaîne mammaire après.
Bien évidemment ces interventions sont relativement coûteuses, surtout quand on a déjà payé les examens complémentaires avant et que l’on souhaite aussi faire analyser la tumeur après chirurgie. Voilà pourquoi votre vétérinaire vous motive à stériliser tôt votre chienne si vous n’avez nullement envie de lui faire faire une portée : car même si la stérilisation d’une chienne est un budget, il est bien moindre en comparaison.
La gestion de la douleur est l’objectif principal pendant la période post-opératoire. Votre vétérinaire vous prescrira des anti-inflammatoires et parfois même des antalgiques. La délivrance d’antibiotiques se fera au cas par cas, si on suspecte un risque de surinfection. Et vous serez peut-être mis à contribution pour des nettoyages et désinfections de plaies. Enfin, il faudra probablement obliger votre chienne à porter une collerette pour éviter qu’elle ne se lèche ou arrache des points de suture.
Possibilités de chimiothérapie
La chimiothérapie peut être utilisée dans le protocole de traitement des tumeurs mammaires chez la chienne, toujours en association avec la chirurgie. Elle ne sera jamais proposée par votre vétérinaire si vous n’acceptez pas de retirer chirurgicalement au moins la tumeur, si ce n’est la chaîne mammaire dans sa totalité. Les protocoles sont variés et dépendent de la nature de la tumeur : il est donc nécessaire d’envoyer le nodule retiré au laboratoire pour une analyse histologique.
La chimiothérapie en médecine canine pose deux problèmes :
- Elle a un coût qui n’est pas négligeable et on peut comprendre que tout le monde ne puisse pas le faire ;
- Elle ne peut pas être réalisée par tous les vétérinaires. Souvent vous êtes référés dans un CHV ou une clinique spécialisée qui a des locaux et du matériel adapté. Selon les protocoles, votre chien peut rester hospitalisé une nuit avant de pouvoir repartir.
Cependant, contrairement à ce que de nombreux propriétaires pensent, elle est plutôt bien tolérée par nos animaux. Il ne faut pas faire la transposition avec les gens atteints d’un cancer, qui font de la chimiothérapie, perdent leurs cheveux, maigrissent … Bien évidemment, la chimiothérapie peut avoir une certaine « toxicité » chez l’animal, différente en fonction des molécules utilisées, qui est évaluée à chaque traitement avec des examens. Mais votre chien ne perdra pas tous ses poils ! Et si cela le rend complètement amorphe, le fait maigrir et l’empêche de se nourrir … l’oncologue sera le premier à vous dire que le mieux est d’arrêter le traitement.
Utilisation d’anti-inflammatoires anti-cox 2
Des études indiquent que certaines tumeurs mammaires chez la chienne expriment la cyclo-oxygénase 2 (COX-2) qui est une enzyme impliquée dans les phénomènes inflammatoires. L’utilisation d’anti-inflammatoires dits anti-cox 2 dans la prise en charge des tumeurs mammaires semble donc avoir un intérêt pour ralentir le développement tumoral et calmer l’inflammation associée.
Quel pronostic si ma chienne a eu une tumeur mammaire ?
Votre vétérinaire sera incapable de vous donner un pronostic sans la réalisation de plusieurs examens complémentaires. Pour que le pronostic soit bon, il faut qu’il n’y ait pas de métastases dans les ganglions et les organes internes mais aussi que tout le tissu mammaire du côté atteint ait été retiré.
En cas d’exérèse du nodule tumoral seul, on a 60% de risques de récidives dans l’année.
On sait aussi que plus la tumeur est grosse au moment de la chirurgie et plus le risque de récidive est important. Car on a plus de risques de ne pas avoir de « marges saines » pendant la chirurgie et donc d’avoir laissé quelques cellules tumorales sur place sans s’en rendre compte.
On ne le répètera jamais assez, si vous sentez une masse au niveau mammaire chez votre chienne, n’attendez jamais pour consulter votre vétérinaire. Une prise en charge précoce et rapide est un des éléments les plus importants pour espérer un bon pronostic.
Prévention des tumeurs mammaires
La MEILLEURE prévention contre les tumeurs mammaires est la stérilisation précoce des chiennes. En effet, de nombreuses études ont démontré que si la stérilisation est réalisée après les 3ème chaleurs de la chienne, elle n’a plus aucun effet sur le risque de développer ou non des tumeurs mammaires. En revanche, on sait que les chiennes qui sont stérilisées avant leur première chaleur, divisent par 200 leur chance d’avoir une tumeur mammaire en vieillissant ! Ce risque est divisé par 10 si la stérilisation est faite avant les 2èmes chaleurs et par 4 si elle est faite avant les 3èmes chaleurs.
Mais ce n’est pas parce que votre chienne a 3 ans, 5 ans ou 10 ans que cela n’a plus de sens de la stériliser. Notamment si elle fait régulièrement des grossesses nerveuses : plus vite vous arrêterez cette stimulation hormonale mieux ce sera.
De plus, la stérilisation a de nombreux autres avantages notamment celui d’empêcher tout risque de pyomètre avec l’âge, une autre affection particulièrement grave qui touchent les vieilles chiennes non stérilisées ou qui sont régulièrement traitées avec des progestatifs pour empêcher les chaleurs.